Dans un arrêt publié au bulletin du 21 janvier 2025 (n°24-83.370), la chambre criminelle de la Cour de cassation apporte des précisions fondamentales sur l’application des articles 100-2 et 230-33 du Code de procédure pénale, établissant un cadre strict pour le calcul et le renouvellement des mesures d’interception judiciaires de communication et de géolocalisation en temps réel.
Une information judiciaire, initialement ouverte pour extorsion de fonds, a rapidement fait apparaître un important trafic de stupéfiants. Pour établir la matérialité des faits et l’implication des suspects, le juge d’instruction avait ordonné divers actes d’enquête, dont des interceptions judiciaires de communication et la mise en place de localisation en temps réel.
Dans le cadre de ces mesures, une ordonnance du 7 octobre 2021 autorisait expressément leur mise en œuvre « pour une durée de quatre mois à compter de ce jour ». Cependant, la pose des dispositifs et le déclenchement effectif des interceptions n’ont eu lieu que le 10 octobre. Estimant que la durée pouvait être décomptée à partir de la mise en place effective et non de la date de la décision, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Rouen a validé un renouvellement qui, en réalité, s’avérait hors délai si l’on se référait à la date du 7 octobre. En somme, trop tard.
Le 21 janvier 2025, la chambre criminelle de la Cour de cassation a censuré cette interprétation au motif qu’elle heurtait les textes encadrant la durée maximale des mesures d’interception et de géolocalisation.

« À compter de ce jour » : un choix lourd de conséquences
Pour statuer, la Cour de cassation s’est fondée sur les dispositions du Code de procédure pénale : l’article 100-2, qui exige que le renouvellement d’une mesure intervienne avant l’expiration de la précédente, et l’article 230-33, qui précise que la mesure expire à l’issue de la durée fixée par la décision l’ayant autorisée.
La Haute juridiction énonce clairement que, si l’ordonnance du juge d’instruction mentionne « à compter de ce jour », la durée démarre dès la date de ladite ordonnance. Le décalage éventuellement constaté entre la date du texte et la mise en place pratique des dispositifs ne peut pas en différer le point de départ. À l’inverse, dans l’hypothèse où l’acte d’autorisation n’indique rien, c’est la pose effective qui fait courir le délai.
Cette précision s’est avérée décisive dans l’affaire jugée. La Cour souligne qu’il est impossible de repousser le point de départ au 10 octobre 2021, alors que l’acte autorisant les écoutes et la géolocalisation énonçait formellement « pour une durée de quatre mois à compter de ce jour » (le 7 octobre). Faute de s’y conformer, le renouvellement prononcé le 8 février 2022 apparaissait alors tardif, car la mesure avait en réalité expiré le 7 février.
De l’importance des délais
Cette décision aura un impact immédiat tant pour les magistrats instructeurs que pour les enquêteurs et les avocats.
D’un côté, le juge d’instruction devra porter une attention particulière à la formulation de ses ordonnances, veillant à la cohérence entre la date de la décision et l’éventuel décalage de mise en place matériel. Toute rédaction prévoyant une durée « à compter de ce jour » fera courir immédiatement le délai autorisé, sans possibilité d’occulter ce point de départ au prétexte d’une installation technique différée.
De l’autre, pour la défense, cet arrêt offre un levier supplémentaire de nullité. Les avocats pourront vérifier l’écart entre la date exacte de l’autorisation et la date réelle d’activation des dispositifs pour faire valoir qu’un renouvellement est intervenu trop tard, si la juridiction venait à considérer que la durée effective de la mesure prenait pour point de départ le jour de sa mise en place. Ils pourront ainsi solliciter l’annulation des actes subséquents et l’exclusion des preuves recueillies au-delà de la durée légale autorisée.
La Cour de cassation, en cassant partiellement l’arrêt de la chambre de l’instruction, rappelle l’importance du respect des délais fixés pour toute mesure d’interception et de géolocalisation. S’il est expressément indiqué qu’une autorisation est donnée « à compter de ce jour », ce point de départ ne peut être modifié.
Cette solution répond à une exigence d’encadrement rigoureux des techniques d’investigation, afin de préserver la sécurité juridique des procédures et de s’assurer que les mesures intrusives exercées à l’égard des personnes mises en cause soient menées dans un cadre temporel strictement délimité.