[Fact-Checking] Qui contrôle la PNIJ et accède aux données des interceptions ?

Polémique sur la nomination au comité de contrôle de la PNIJ

Dans un tweet publié le 22 décembre 2024, Albert Lévy, avocat, s’est inquiété de la nomination de Caroline Yadan, députée des Français de l’étranger, au comité de contrôle de la Plateforme Nationale des Interceptions Judiciaires (PNIJ). Cette plateforme, un outil central dans les enquêtes judiciaires en France, permet notamment les interceptions téléphoniques, une activité particulièrement sensible. Albert Lévy laisse entendre que cette nomination pourrait compromettre la confidentialité des données judiciaires interceptées évoquant un risque d’ingérence étrangère, à l’appui du post d’un autre utilisateur mentionnant les liens supposés entre Caroline Yadan et le parti israélien Likoud.

« Cette dame aura accès à toutes, je dis bien toutes les interceptions téléphoniques judiciaires, y compris celles liées au crime organisé, la délinquance économique et financière et celles en rapport avec l’international », a-t-il affirmé sur le réseau social X. Mais est-il réellement possible pour une députée, membre du comité de contrôle, d’accéder à ces données ultra-sensibles ou d’influer la politique de la PNIJ ?

Une plateforme au cœur des enquêtes judiciaires

La PNIJ, mise en place progressivement depuis 2005 et pleinement opérationnelle depuis 2017, est un service stratégique placé sous la tutelle exclusive du ministère de la Justice. Elle centralise toutes les interceptions judiciaires en France, qu’il s’agisse de communications téléphoniques, de SMS ou encore de trafic internet. Chaque semaine, près de 900 000 SMS sont interceptés dans le cadre d’enquêtes judiciaires.

Ces interceptions sont réalisées uniquement dans un cadre légal, à la demande de magistrats ou du parquet, et mises en œuvre par des agents et officiers de police judiciaire (OPJ) assermentés et autres services habilités. Ce dispositif est soumis au respect strict du code de procédure pénale et du secret de l’enquête.

La plateforme est donc un pilier des investigations judiciaires, notamment dans les affaires de criminalité organisée, de délinquance économique et financière, ou encore de cybercriminalité.

Une supervision rigoureuse

Contrairement à ce que sous-entendent certaines déclarations alarmistes, la PNIJ ne fonctionne pas en roue libre. Elle est contrôlée par l’Agence nationale des techniques d’enquêtes numériques judiciaires (ANTENJ), directement rattachée au ministère de la Justice. Cette agence, dirigée par un magistrat nommé par décret, est actuellement sous la responsabilité de Jean-Julien Xavier-Rolai.

Aussi, la PNIJ répond à des règles de contrôle et d’utilisation très strictes imposées par le Code de procédure pénale.

Un comité de contrôle est également prévu par la loi. Ce comité est composé, entre autres, d’un sénateur, d’un député (en l’occurrence Caroline Yadan), d’un magistrat honoraire de la Cour de cassation, ainsi que de deux personnalités qualifiées. Leur rôle n’est pas d’accéder aux données, mais de superviser le fonctionnement de la plateforme pour garantir son respect des lois et des droits fondamentaux. Les membres sont nommés pour une durée de 5 ans, non-renouvelable. (Liste des dernières nominations).

Le comité vérifie notamment les autorisations d’accès, examine les éventuelles anomalies, et s’assure que les données sensibles sont traitées dans des conditions de sécurité optimales.

Des accès strictement contrôlés

L’accès aux données stockées dans la PNIJ est rigoureusement encadré. Les magistrats disposent d’un accès complet pour les besoins des enquêtes dont ils ont la charge. Les officiers et agents de police judiciaire, ainsi que certains agents des douanes et des services fiscaux, peuvent accéder aux données dans un cadre limité par la loi. Les greffiers et interprètes-traducteurs peuvent également intervenir, mais uniquement pour des missions précises et sous autorisation.

Sur le plan technique, la plateforme est gérée par l’entreprise Thales, qui a assuré sa conception et continue d’en assurer la maintenance. Cependant, Thales n’a pas d’accès opérationnel aux données, lesquelles sont chiffrées et hébergées sur des serveurs sous contrôle étatique en France. Tous les accès aux données brutes sont consignés et auditables, ce qui limite considérablement les risques d’intrusion.

Une députée peut-elle accéder aux interceptions ?

La réponse est simple : non. Caroline Yadan, comme les autres membres du comité de contrôle, n’a aucun accès aux interceptions judiciaires stockées dans la PNIJ. Son rôle se limite à une mission de supervision et d’évaluation générale.

Insinuer qu’un membre du comité, quel qu’il soit, pourrait exploiter les données de la PNIJ relève d’une méconnaissance flagrante du dispositif. La plateforme est protégée par un arsenal juridique et technique précisément conçu pour éviter ce type de dérives.

Polémique ou fantasme ?

Si la nomination de Caroline Yadan a suscité des réactions passionnées, les accusations d’ingérence ou de risque pour la confidentialité des données judiciaires ne reposent sur aucune base solide. La PNIJ reste un outil régalien ultra-sécurisé, soumis à des contrôles multiples, allant du ministère de la Justice à la CNIL, en passant par la Cour des comptes.

En somme, Caroline Yadan ne dispose d’aucune prérogative ni marge de manoeuvre pour accéder aux interceptions judiciaires, ni même pour en influencer le traitement.

[Fact-Checking] Qui contrôle la PNIJ et accède aux données des interceptions ?